On comprend l'utilité de l'Ashram quand on prend conscience du potentiel de chaque enfant. L'Ashram leur donne tout d'abord le cadre propice pour exprimer leur créativité, découvrir leur talent et vivre dans un environnement favorable aux rencontres, aux vraies rencontres. 

Il est plutôt grand, assez mince et a de grands yeux. Il est discret et ne parle pas très fort. Puis, il monte sur l’estrade, sa voix résonne dans le micro, une force se dégage de ses mots. Je ne comprends pas sa langue mais sa conviction vient toucher mon cœur. On m’explique qu’il parle du Divin et de son amour pour Lui. On me dit qu’il propose une perception différente, une approche plus complexe. Il redescend avec une humilité déconcertante, tout le monde l’applaudi, tout le monde. Il est passionné de poésie, il en a écrit environ 200 la plupart en Népalais et certains en Anglais. J’ai envie de découvrir ce trésor, lui. Il m’a expliqué qu’il prend les émotions, les fait passer par son cœur puis par sa tête et écrit les poèmes. Il trouve son inspiration dans chaque moment de sa vie et dans son amour du Divin. Il ne veut surtout pas gagner d’argent grâce à son talent, il préférerait être cuisinier. Il s’intéresse au football, au Réal de Madrid et à Cristiano Ronaldo. Il a 14 ans, il s’appelle Sri Krishna et il me fascine.

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Il a encore des traits de bébé sur son visage rond. Il opte pour des coiffures à la mode et sa veste en cuir lui donne belle allure. C'est un beau garçon plein d'assurance. Il a un regard qui transperce, souvent il plisse les yeux comme pour accentuer l'effet. Il aime les réseaux sociaux et le yoga. Il sait réaliser des postures difficiles. Il est aimant avec ses frères et sœurs et fédère autour de lui. Quand il chante c'est un homme, quand il travaille c'est un homme. Ce qu'il aime faire seul c'est écrire, écrire des nouvelles. Il a rempli des carnets entiers. Ceux qui l'ont lu ont aimé, il devrait juste étoffer davantage ses propos. Il prévoit de le faire et aboutir son travail pour, pourquoi pas, le diffuser. Il a perdu ses carnets, cela fait 2 ans il est découragé et n'a plus écrit. Je prie pour qu'il retrouve l'inspiration et l'envie. J'ai hâte de voir ce que vont donner son intelligence et ses émotions créatrices. J'ai hâte d'observer ses prises de décisions et son parcours. J'aime sa franchise et sa sensibilité. Je l'aime parfois comme un ami, parfois comme un petit frère. Son prénom signifie "message", Sandesh.

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Une invitation, l’une des plus belles possibles : sois mon frère, sois ma sœur. J’ai de la place pour toi dans mon cœur. La cérémonie démarre, ils sont là à genoux dos à moi, debout. On ferme les yeux on prend conscience de l’instant. On ré-ouvre les yeux, on se regarde : je vais te guider. De l’huile dans les cheveux, sur le visage et dans les oreilles. L’un après l’autre, mes deux amis, mes deux frères. Les gestes sont hésitants mais remplis d’amour et d’envie de bien faire. Des fleurs dans les cheveux. D’abord la base blanche du bas vers le haut entre les deux yeux. On se voit, vous me regardez faire, nos regards se croisent s’arrêtent quelques secondes. Une première couleur vive puis une deuxième, puis trois jusqu’à sept. Un frère puis l’autre, des paillettes lumineuses sur le front. Je vis l’instant en pleine conscience, beaucoup de bruits et d’agitation, on cherche les poudres mais je ne vois qu’eux ; ils sont si beaux ! Nous échangeons un sourire franc et pur ; c’est mon tour. Je m’agenouille, ils reproduisent le Tika ensemble avec la même envie de bien faire et la même sensation d’être seuls. Je leur sers à manger, j’aime servir, j’aime les servir. C’est fait, ils sont mes frères, vraiment, mon cœur acquiesce. Les jours passent, le quotidien reprend sa place quelques heures plus tard mais l’instant est gravé à jamais. On se regarde autrement, on s’aime autrement. Je prends des nouvelles de l’un et la main de l’autre, on va se protéger, toujours. Même de loin. Je ferais tout pour vous, pour toi. On ne se lâchera pas la main. Mes Bhai, Srijan et Roshan votre didi vous aime sincèrement. Ma famille s’est agrandie aujourd’hui.

De gauche à droite:

Sri Krishna ; Sri Krishna et Sandesh ; Sri Krishna et Mélanie ; Srijan Bhai, Mélanie et Roshan Bhai ; Sandesh

J'aurais aimé poster régulièrement des photos et récits de mon séjour mais vous comprendrez, j'en suis sûre, que j'étais occupée à vivre l'instant présent et la connexion wi-fi n'étant pas des meilleures je me suis complètement laissée aller à partager le quotidien de l'ashram.

Je suis contente maintenant que j'ai retrouvé ma vie parisienne de partager avec vous des bribes de mon séjour. Il ne serait pas pertinent de vous décrire toutes les activités et moments passés car bien qu'étant tous très intenses il serait difficile de les expliquer car ils sont partagés entre mon cerveau et mon cœur et le rendu rédactionnel risque de ne pas leur rendre justice. Idem pour la beauté et l'histoire singulière de ce pays. Je décide ici que le plus important pour résumer mon séjour et que la finalité de tout ce sont les enfants : 

Les enfants n'ont peur de rien et je ne peux pas m'inquiéter pour eux. Chaque visage me touche, certains reflètent l'insouciance et sur d'autres on peut déceler un vécu difficile  mais toujours énormément d'espoir, de possibilités et d'optimisme. Ce sont des enfants comme on en rencontre partout dans le monde rieurs parfois un peu bagarreurs et une constante envie de s'amuser. Tout est prétexte aux rires: la pluie, les chutes, les coupures de courant, une brouette... (cf. photo ci-dessous). Ce que j'ai découvert chez eux et que je n'avais jamais vu auparavant c'est une grande maturité et une bienveillance naturelle. Les plus grands surveillent et prennent soin des plus petits et ce toujours à distance et du coin de l'œil. Ainsi chacun est très indépendant, responsabilisé et jamais diminué. Les plus petits eux-mêmes s'inquiètent pour les plus grands et même pour les très grands. Ainsi à plusieurs reprises, si mon regard se perd un peu dans le vide une petite fille de 8/10 ans me questionne "Are you happy ?". Merveilleux. Une autre chose me marquera à jamais : leurs talents; ce sont des passionnés: chant, danse, yoga, lecture, mathématiques, peinture ... ils ont toujours soif de connaissances et sont toujours prêts à enseigner ce qu'ils connaissent. Ils s'encouragent les uns les autres et surtout ne se comparent jamais. Nous avons beaucoup à prendre de leur énergie et à apprendre de leur philosophie. Il paraît évident que leur spiritualité les guide sur ce chemin de vie tout ce qu'il y a de plus paisible et heureux. 

J'ai eu la chance de pouvoir donner quelques cours de français aux adolescents mais aussi aux plus petits. Voilà la force de l'école de l'ashram: ils obtiennent de bons résultats aux examens nationaux imposés mais il y a toujours du temps et de l'envie pour apprendre d'autres choses comme une nouvelle langue ou une nouvelle discipline. Encore une fois cela vaut pour l'enseignement aussi; ils n'hésitent pas à arrêter ce qu'ils font et à ralentir leur rythme pour prendre le temps de se baisser à ma hauteur et m'apprendre: traire une vache, coudre ou réaliser un bâtonnet d'encens. J'ai également eu l'immense plaisir d'être initiée chaque jour au Yoga, discipline et art de vivre central au sein de l'ashram. Ils demeurent très patients et compréhensifs quant à mon niveau de débutante. 

Je dois vraiment vous dire le profond respect que j'ai pour Ramchandra le fondateur de cet ashram: il a réussi à créer la maison du bonheur sans futilité et avec une abondance d'amour. Vous le devinez je suis plus que ravie de cette expérience et franchement triste d'avoir quitté toutes ces personnes, toutes ces âmes avec qui j'ai passé de supers moments: de jeux et de câlins avec les enfants. Le début d'une relation très sympa et naturelle avec les adolescents et une réelle amitié avec des jeunes adultes. À propos de ces derniers peut être que rien n'aurait pu nous réunir dans d'autres contextes mais au sein de l'ashram nous avons eu des discussions parfois très futiles et souvent très profondes et intéressantes. Effectivement certaines choses sont plus qu'universelles et je pense que la foi et l'amitié en font partie. 

Beaucoup d'entre eux nourrissent de grandes ambitions : peintres, écrivain, danseuses, ingénieurs, professeurs de Yoga et même... astronaute ! Nous avons la chance en France et dans beaucoup de pays développés de choisir et d'accomplir  aisément ce que nous souhaitons en termes de formation et d'emploi. Au Népal, à l'ashram Sri Aurobindo Yoga Mandir de grands talents, des jeunes ultra passionnés avec des potentiels énormes se posent la question de savoir si oui ou non il leur sera possible d'accomplir ce qui chez nous est tout à fait normal. Je garde chacun des visages dans mon cœur, prie pour que leur bonheur actuel soit perpétué et que leurs rêves les plus inavoués se réalisent. Les Routes du Partage servent une cause à laquelle je souhaite prendre part. Je suis admirative de l'énergie déployée et de la beauté des projets menés par l'association. Power !

Mélanie Gacongne

De gauche à droite:

Ligne 1: arrivée au Népal, méditation time ;)

Ligne 2: les cultures et l'étable

Ligne 3: commencer en chanson la journée d'école... puis travailler en s'amusant, mon amie et prof de Yoga préférée Sushma Ligne 4: shapati time et apprentissage du mot "pierre !" :)